Des mines à Romanèche Thorins
En sortant du musée du compagnonnage, une construction ressemblant à un puits est visible au bout de la vigne face au musée : Marcel Pariaud nous indique qu’il s’agit bien d’un puits (point d’eau !) mais de ventilation… pour les mines de manganèse situées dans les terres de Romanèche.

Si les vignes sont connues pour être la richesse de Romanèche-Thorins, le sol de la commune a également détenu une autre ressource recherchée. Découvert vers 1750, le gisement a été exploité de façon continue pendant un siècle de 1823 à 1919, ce qui est exceptionnel pour un gîte de manganèse français.
Informations en partie extraites de l’article du Progrès du 17 août 2021:
» Alexis Chermette, ingénieur géologue lyonnais, écrivait en 1975 dans un supplément au Bulletin de la société linnéenne de Lyon, l’histoire de ce siècle d’exploitation à Romanèche-Thorins. Qui a commencé par une découverte mise à la faveur d’un marchand de verrerie. « Sous prétexte de vendre les objets de son trafic, ce marchand venait fréquemment dans le village, puis s’en retournait chargé de « pierres noires » sans préciser l’usage auquel il le destinait. » Le métal, dur mais fragile, est rapidement utilisé par l’industrie pour ses vertus : il sert d’élément d’alliage pour l’acier. Mais, le manganèse servira beaucoup aussi pour blanchir le verre.
D’abord exploité par des habitants de Romanèche-Thorins de façon individuelle, le gisement de manganèse fait ensuite l’objet d’une exploitation régulée. Des concessions sont créées, la première par ordonnance royale en 1823.

Les mines de manganèse, exploitées de 1823 à 1919, vues ici en 1912 – carte postale, collection de Gérard Thélier
Trois concessions sont allouées dans le secteur du centre-bourg en 1829 : la Vieille Cure ; le Grand Filon ; la Réserve de l’Eglise. Le bénéficiaire de l’une d’elles reste connu, mais pas dans ce domaine-là : il s’agit de Benoît Raclet, inventeur de l’échaudage de la vigne pour lutter contre la pyrale. La municipalité détenait également une concession, autorisée à l’exploiter, mais depuis la surface. Elle était située sous le site de l’ancienne église.
Plus tard, la Première Guerre mondiale pousse notamment une société parisienne à reprendre une concession vers 1916. Mais les longues tractations retardent l’exploitation en 1919, quand les besoins se sont réduits et le site appauvri. Ce qui était devenu « la Société anonyme des mines de Romanèche », lâcha l’exploitation de la concession en 1922.
Alexis Chermette évoque l’extraction de quelque 440 000 tonnes de minerai, expédié par la Saône ou voie ferrée. L’exploitation a permis d’employer 137 ouvriers, dont 79 en sous-sol.
La production commença à décliner au début du XXe siècle. L’extraction cessa après la Grande Guerre, malgré quelques tentatives de reprise et des prospections en 1958-62. Ces 4 concessions ont produit, à partir de 1824, 421 400 tonnes de minerai. Jusqu’en 1860, seul le minerai à plus de 40 % de manganèse était considéré comme marchand ; ensuite on distingua quatre qualités : 50 à 55 % pour la chimie, 40 à 50 % pour les verreries, 35 à 40 % pour la métallurgie et 16 à 20 % pour la métallurgie proche à partir de 1907.
Les chiffres déclinèrent à partir de 1905 : la Vieille Cure et le Grand Filon furent arrêtés en 190è-1908 et les deux autres en 1919. Après quelques recherches, Romanèche et la Vieille Cure furent renoncées en 1922. Le Grand Filon fut, après quelques ventes successives, acquis par la Société de recherches minières de Romanèche (SRMR) qui reprit les travaux jusqu’en 1957. Ces travaux comportèrent un puits prolongé par une descenderie dans le Grand Filon. Il fut constaté que la puissance ne décroissait pas avec la profondeur ; toutefois, les moyens financiers ne permirent pas d’obtenir le permis de recherche.
Vers la même époque (de 1958 à 1962), le centre d’études et de prospection du manganèse (CEPROMA) lança une campagne de recherche, et obtint un PER en 1961 pour des travaux en dehors de la concession, mais les résultats furent décevants : aucune nouvelle zone minéralisée ne fut découverte.
Les galeries ont été comblées, les haldes reconverties en terrain de sport, on peut encore voir les vestiges du puits principal (transformé en massif de fleurs) derrière l’église.
Plan de la mine et autres infos :
https://www.persee.fr/doc/linly_0366-1326_1975_num_44_3_10171
Pour autant, les mines ne sont pas qu’un lointain souvenir pour la commune. « Elles impactent encore le village », confirme le maire, Yannick Vacher. De nombreuses galeries, de 60 mètres de profondeur, parsèment le sous-sol d’une zone s’étirant grossièrement en amont de l’église jusqu’au stade de football. « Pendant l’exploitation, tout était étayé. Ensuite, à la fermeture, ils ont consolidé les galeries et inondé le sous-sol. »
Si le sol est sûr, il n’est pas question pour autant d’entreprendre quoi que ce soit s’en prendre en considération ce passé. « On ne peut pas faire n’importe quoi. On ne peut construire que sur l’emprise foncière existante dans cette zone… on ne peut reconstruire des bâtiments plus hauts, ni creuser des piscines, etc. «
https://www.geoforum.fr/topic/2432-vestiges-miniers-insolites/ (photos de M-adit : montrant les vestiges discrets des mines oubliées)

ci-contre: utilisation de blocs minéralisés pour le sous-bassement d’un mur à Romanèche:

La composition minéralogique de ces blocs est assez variée mais c’est surtout un méla
nge de quartz, de fluorine, d’hématite et bien sûr de romanèchite!