Le travail des enfants au XIXème siècle
La loi votée le 19 mai 1874 (« loi Joubert »), – il y a 150 ans – concernant le travail des enfants et des filles mineures a apporté des améliorations notables. Loin d’être une loi « intermédiaire » elle a été un texte déterminant pour faire entrer dans les mœurs la nécessité d’une protection de l’enfance laborieuse et pour préparer les évolutions ultérieures. En effet la révolution industrielle du XIXème siècle a aggravé la situation des enfants au travail.
La conférence, samedi 7 décembre 2024, par l’Académie de Villefranche sur Saône, est animée par Lucien BEATRIX, Jean LARGE et Michel COTTIN.

Cette loi est un jalon dans l’histoire, dans un contexte particulier, aboutissement de changements profonds. Son intérêt est aussi ce qui se dévoile « en creux » :
en 1874, les enfants travaillent dans l’industrie à raison de 72h/semaine !
Le 22 mars 1841 : la loi interdit le travail des enfants de – 8 ans…
Sous la Monarchie de Juillet (Rq Instaurée le 9 août 1830 après la révolution dite des « trois glorieuses » 27,28,29 juillet 1830, elle succède à la restauration. Le régime politique durera entre 1830 et 1848 : c’est une monarchie constitutionnelle à régime parlementaire dualiste. Louis-Philippe 1er est sacré roi des Français -et non roi de France !) la chambre des députés et la chambre des pairs sont composées d’aristocrates, qui sont sous la pression du peuple : les conditions de travail sont proches de l’esclavage.

Louis René Villermé fera la 1ère enquête sur l’état de santé des ouvriers dans l’industrie textile (cf la carte venue des doc de la bibliothèque Freinet).

| 19 et 20 000 |
| 10 à 15 000 |
| 5 à 10 000 |
| plus de 3 000 |
| plus de 2 000 |
| plus de 1 000 |
| moins de 1 000 |

| 5 ans |
| 6 ans |
| 7 ans |
| 8 ans |
| 9 ans |
| 10 ans |
Il ira en 1936 à Tarare, dans l’industrie de mousseline (ville de 8000 hab), où tout se fait à la main.
Malgré la mécanisation jusqu’à 50 000 ouvriers sont employés ! environ 20 000 hommes/femmes/ 15 000 femmes/enfants (tisserands ou pour dévider)/5 000 enfants/Jeunes femmes (préparent fil de chaîne ou épincètent : enlèvent nœud ou impureté)
+ 9 à 10000 filles/femmes à la broderie souvent à domicile.
Le salaire est de 40 centimes/jour et de 25 centimes pour les enfants (env ½ salaire adulte), la durée du travail est égale à la durée du jour (5h à 21h en été !)
Au conseil des Prud’hommes ne sont présents que les représentants des patrons aucun ouvriers …
La situation à Villefranche: Lettre des membres du Conseil des Prud’hommes de Villefranche au ministre du commerce, 1837
» … les enfants sont employés dans les ateliers et fabriques depuis l’âge de 6 ans (…)
La durée du travail des enfants est la même que celle des ouvriers adultes; néanmoins le travail des uns et des autres est fixé à la durée du jour.
Les enfants des deux sexes travaillent ensemble dans chaque atelier de fabrique.
Le quart de ces enfants appartient aux ouvriers occupés eux-mêmes dans les fabriques.
Ces enfants sont sans instruction, ne fréquentent point les écoles.
Quant à leur moralité, ils en sont totalement dépourvus.
Ces enfants sont souvent l’objet de mauvais traitements de la part des maîtres et de ceux qui les emploient. » (…)
« Pour remédier à tous ces inconvénients, il faudrait une loi sage, qui autorisât l’inspection de temps à autre des ateliers et des fabriques par des personnes de la police administrative. »
Le rapport souligne la moralité (mais de quelle moralité parle-t-on ?) déplorable des enfants. Le 1er enseignement qui sera instauré par la scolarité sera la morale avant même la lecture et l’écriture. Ne pas oublier que c’est pour survivre que les familles font travailler les enfants !

Le Comte de Tachère (protestant) est le rapporteur du rapport sur la condition de travail des enfants et contre les abus dans les manufactures. A noter que la loi anglaise (15 juin 1839) est bien + en avance. L’étude des législations étrangères permet de constater que la France est en retard ! Bien sûr par rapport à la loi anglaise mais aussi par rapport à la Prusse, grande rivale, qui a pris une ordonnance en 1829. Le projet de loi n’aboutit pas car la guerre éclate (19 juillet 1870 au 29 janvier 1871) !
La loi est votée mais il n’y a aucun contrôle, donc les abus continuent entrainant une surmortalité. La baisse d’espérance de vie s’accompagne de nombreux autres problèmes de santé : torsion/ déviation de la taille/ troubles gastriques/ de développement…
1851 Pour les apprentis la journée de travail ne doit pas dépasser 10h /jour
1853 à Villefranche, nouvelle demande du préfet pour encadrer le travail des femmes et des enfants dans les manufactures.
En 1868 encore de nombreux enfants échappent à la loi, on note des accidents (parfois mortels) dans les fabriques car il n’y a pas de mesure de sécurité ou elles ne sont pas adaptées à la taille des enfants ! 1/3 des décès concerne des enfants de -15 ans ! Ils concernent les moins de 40 ans pour 50%
En Calade 1 caladoise sur 2 est employée dans le textile !

(La phtisie = la tuberculose)
La loi de 1874 marque un certain progrès, en ce qui concerne le travail féminin puisque toutes les entreprises sont concernées, même les plus petites. Le travail des enfants avant 12 ans est soumis à l’obligation de suivre l’école (avant même la loi de Jules Ferry).
Un contrôle est créé, avec 15 inspecteurs. Des sanctions sont applicables mais les dérogations sont nombreuses et la clémence de rigueur (par exemple « l’erreur » est excusable ainsi que l’obligation de fonctionnement de l’entreprise ( !)).

Ambroise Joubert dépose le projet de loi. Il est lui-même chef d’entreprise. Il faudra 2 ans de rédaction : chaque proposition est examinée longuement et modifiée plusieurs fois.
Mais : les travaux des champs/artisanat/commerces /travail domestique des femmes ne sont pas concernés par la loi !
En 1873 l’assemblée est composée de 200 Républicains, 400 Royalistes, 35 Bonapartistes (Gambetta). A noter que l’apport financier du travail des enfants est restreint et que chaque député a sa conviction personnelle qui se démarque parfois du groupe auquel il appartient.
Le temps plein soit 12h/jour est dû à partir de 12 ans !
Sous l’Empire, le développement économique est très rapide : chemin de fer (1854 à Villefranche)/ mécanisation des usines/ capitalisme moderne, la Banque Crédit Lyonnais voit le jour en 1863/grands magasins/ sciences font des progrès.
1861 : 1ère femme bachelière : Julie Daubié
1865 : médecine expérimentale Claude Bernard
1868 : création de la caisse d’assurance en cas d’accident

Jean Macé crée la fondation pour l’instruction publique
1874 : négociations sur la loi protégeant les enfants


1890 ; encore de nombreux manquements à l’application de la loi. Malgré l’arrivée des machines, les enfants travaillent : tri/manipulation, … ils sont cachés dans les sous-sols en cas d’inspection !
« L’après » : les lois ultérieures:
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La loi du 2 novembre 1892 et son application dans les établissements caladois:
– 10 h par jour pour les enfants de 13 à 16 ans, – 60 h par semaine pour les adolescents de 16 à 18 ans – Pas plus de 11h par jour pour les filles mineures et les femmes. |
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Loi du 30 mars 1900: Horaire journalier abaissé à 10h30 pour les jeunes de moins de 18 ans et les femmes.
Loi du 29 juin 1905: Horaire journalier ramené à 8h dans les mines.
Loi du 23 avril 1919: généralisation de la journée de 8h.


